Errance (libre)

Cela faisait déjà quelques années que Drathul voyagait de contrées en contrées afin d'aider les divers peuple, et plus précisement, de poursuivre sa croisade personnelle. Il avait traversé la région volcanique, grimpé sur les plus hautes chaînes de montagnes, mais c'était la première fois qu'il arrivait dans un endroit comme celui ci : une étendue de verdure où l'horizon n'affiche rien d'autre que le ciel au bleu prononcé. Une plaine vide, où la nature semble être maîtresse des lieux, sans aucune vile créature ni autre danger apparent. Cela le changeait un peu, lui qui était tant habitué au dur climat et aux grandes vagues de chaleur. L'air ici était doux, et le paysage semblait dormant, paisible, comme si rien ne pouvait le briser. Le vent sifflait à travers l'herbe et les pas de notre guerrier sonnait comme un tambours incessant sur ces terres solitaires. Mais c'était calme, bien trop calme à son goût. Rares étaient les contrées sauvages du monde des rêves qui demeuraient sans risques. Ainsi, et malgré cet air de paradis terrestre, Drathul restait sur ses gardes et ne fléchissait pas. Mais qu'est-ce qu'un imposant mercenaire comme lui venait faire ici ? Et bien, voilà une bonne question... avant tout, il cherhait à confirmer des informations. Il savait et avait entendu dire qu'il existait un lieu spécifique, dans ce monde, qui faisait le lien permanent avec un tout autre univers, celui que les humains eux-mêmes appellent la Terre - il était donc à la recherche de cet endroit, il comptait tomber sur un portail ou une porte, peu importe, quelque chose permettant de traverser.


Et qu'allait-il faire une fois ce lien trouvé ? Ca, c'était plus problématique... mais il fallait mieux confirmer ses sources d'informations avant de foncer tête baisser dans un quelquonque projet. Il était courageux, mais pas fou, après tout.

La plaine des songes, c'était un peu comme un labyrinthe sans murs, mais il n'y avait rien, ni même aucun point de repère. Drathul s'était-il perdu ? Bien sûr que non. Du moins c'est ce qu'il se disait, en réalité, il était bel et bien désorienté. L'horizon n'offrait même pas de nouvelles perspectives, il n'y avait pas d'arbres, juste quelques rochers persemés ici et là. Il sentait le vent lui souffler à l'oreille et sentit soudainement une présence derrière lui. Comme si quelque chose - ou quelqu'un - était apparu derrière lui de manière qu'il ne pourrait expliquer. Ou tout simplement avait-il relâché sa concentration quelque secondes. Par mesure de précaution, il placa sa main droite sur la garde de son épée, prêt à dégaîner au besoin. Puis il se retourna en direction de cette présence, paré à faire face à n'importe quoi.

Lorsqu'il se retourna, tout ses sens en éveil, il était vraiment sur le point de sortir son épée et de trancher en deux la chose ou la personne s'étant faufilé furtivement derrière lui. Cependant, et par pure chance, il se ravissa, et calmement, fit face à la situation - toujours en restant sur ses gardes et à l'affut d'un quelquonque geste aggressif. Il se retrouva alors à sa grande surprise nez à nez avec une jeune femme. Enfin... si on peut dire, disons qu'en réalité, elle était plus petite que lui. Et pour cause, elle semblait également plus jeune - et plus appeurée. Regardant dans diverses directions, elle semblait apparement tout aussi déboussolée que lui ne l'était. Il voyait aussi de la crainte dans son regard - il en conclua qu'elle n'tait donc pas dangereuse si elle le considérait comme une source potentielle de danger. Il commença donc à se détendre et lâcha son arme tout doucement. Mais il allait garder un oeil sur elle - si elle était véritablement mauvaise, elle ne serait pas la première créature à l'attaquer sournoisement. Et puis, il ne faut pas oublier une autre possibilité... peut être est-elle l'une de ces nuisances qui s'introduisent dans notre monde.

Etait-elle rêveuse ? Ou peut être une voyageuse ? Ou encore peut être... que Drathul était trop fixé sur ça et qu'il devenait paranoïaque. Son visage devint un peu chaleureux et il examina la nouvelle arrivante. Elle était vraiment jeune. Peut être recherchait-elle quelqu'un et qu'elle s'est perdue ? Il 'en saura rien sauf s'il lui demande clairement. Ce qu'il fit donc.

- "Perdue ? Tu as peut être besoin d'aide ?"

Une brise légère se leva, comme pour transporter les paroles du natif de feu, arrivant même à transformer sa voix grave et sérieuse en mélodie agréable. Encore une fois, il proposait de l'aide mais il n'était pas vraiment sur de pouvoir s'aider lui même, de base. Il était tout aussi perdu qu'elle à priori, mais essayait de sembler confiant et sûr de lui, comme s'il savait ce qu'il faisait. Et puis, s'il pouvait en savoir plus sur ses intentions, cela le mettrait au clair sur le type de personne qu'elle est réèllement. Ainsi avant tout réponse il enchaîna sur une phrase rapide mais sèche.

- "Tu n'es pas d'ici, non ? De quelle contrée viens-tu ? Je pourrai surement te renseigner."

Il était sûr de tout de suite tirer ça au clair et savoir si elle serait une ennemie - ou une personne en détresse, tout simplement. Il n'avait pas pour habitude de s'attaquer aux femmes ni aux enfants, mais ses principes sur l'équilibre et la préservation pour ce monde passait avant tout. Ainsi, ne sachant pas bien camoufler ses sentiments, son visage se renfrogna très subtilement lorsque il posa cette dernière question. Un mauvais mot, et son épée allait surement se revéler fort utile. Mais il ne voulait pas non plus faire du mal aux gens de ce monde - c'était son devoir. Ou du moins, c'est ce dont il était convaincu.

Drathul était intérieurement un peu gêné. La jeune femme avait l'air de répondre avec tellement d'apréhension, peut être de peur réèlle - faisait-il si peur que ça ou était-ce du au fait qu'elle avait totalement perdu son chemin ? Quoi qu'il en soit, il décida qu'il allait essayer d'être un peu plus doux, même si en général, ce genre d'effort ne lui réussi pas vraiment. A ces réponses, notre natif de feu fronca les sourcils et son visage se plissa.

*Sérès, hein ? Ca ne me dit rien... pourtant ce nom pourrait être typique des contrées du vent, vu la consonance. Ou alors un village de la côte. En tout cas, je n'en ai jamais entendu parlé... peut être est-ce juste un tout petit village.*

Un léger silence s'était abbattu tout à coup, puis, comme poussé par une force mystique invisible, une énergie soudaine s'élèva et le vent, cette légère brise commune des plaines, tournoyait autours de la jeune femme, comme si ce pouvoir était attiré par elle. Faisait-elle donc partie du peuple du vent ? Cela lui semblait étrange, car en général, ce peuple là avait bien souvent de nombreuses caractéristiques raciales visibles, ou alors, ne faisaient carrémment qu'un avec les cieux, contrôlant avec aisance tout ce qui s'apparentait aux cieux. Alors qu'elle, ne faisait que manifester son pouvoir tout en ne sachant pas visiblement le contrôler. Cette femme devenait de plus en plus étrange aux yeux de notre salamandre. Il ne répondit donc pas tout de suite; il marcha silencieusement, mais avec un manque certain de grâce, vers un rocher puis s'y posa, et inspira. Il réflechissait silencieusement tout en se demandant ce qu'il devait faire. Il est clair qu'elle était douteuse mais de toute manière, il se trouvait inévitablement dans la même galère qu'elle. Il décida donc de l'aider... pour l'instant.

- "Ca s'appelle le vent, tout simplement. Car tu es bien du peuple du vent, puisque cet élèment à réagir à ton sentiment de peur et de panique. L'énergie magique, composée du feu, de l'eau, de la terre et de l'air sont les fondations même de notre monde... A moins qu'on ne t'es donné aucune éducation - ou d'avoir vécu en réclusion toute ta vie - toute personne devrait savoir ça."

Cela sonnait lgèrement comme un reproche, car selon lui, les gens qui ignorent leur pouvoir sont souvent un danger pour eux et pour leur entourage. Il lui fit une brève démonstration - il placa la paume de sa main en direction du ciel, et en capta la faible source de chaleur pour en faire un miniscule, ridicule flamme, qui malgré le vent environnant avait du mal à grandir, puis il referma brusquement sa main et la flamme partit en fumée. Puis il se releva lourdement, et s'étira sans gêne, faisant craquer certains de ses os, comme s'il s'ennuyait à mourrir et qu'il reverait de se défouler. Ne faisant pas toujours confiance en la jeune femme, malgré sa décision de l'aider au mieux que possible, son visage restait un peu plus froid et renfermé que d'habitude, redoublant d'alerte. Même si les créatures du vent étaient souvent craintives, elles n'en étaient pas moins puissantes, et leur colère immense peut se faire déchaîner les ouragans les plus destructeur. Ne jamais sous estimer l'ennemi mais ne jamais se sous estimer non plus, voilà qui était la base d'un guerrier fort et déterminé.

- "Quoi qu'il en soi... je ne peux pas te promettre de retrouver ton village. Enfin, Sérès, comme tu dis. En attendant, je vais t'escorter jusqu'au prochain village et te donner de quoi vivre. J'ai d'assez bonnes relations dans les petits patelins, vu que je rends assez souvent service. Quelqu'un pourra surement s'occuper de toi et t'aider à retrouver ta... maison natale."

Alors qu'il allait commencer à partir sans même lui laisser le temps de répondre, il s'arrêta net et se retourna, fixant la jeune femme avec un sourire étrange, limite sarcastique.

- "A moins que tu ne veuilles que je te laisse te débrouiller... à toi de voir, je ne force personne. C'est juste qu'on ne sait jamais sur qui - ou plutôt sur quoi - on peut tomber."

Et voilà qu'il recommencait son numéro, comme s'il voulait signifier "toi vient, sinon tu vas finir dans l'estomac d'un monstre", tel le héros solitaire et errant prêt à sauver une jeune demoiselle en détresse. Quelle que soit la réaction de gens après coup, il aimait toujours paraître comme ça - c'était son petit côté fier, à l'esprit chevalresque.

Bien qu'il ne réagit pas de manière physique, son cerveau lui, bouillonait. "Quel monde ?", avait-elle osé dire sans réserve. Il était désormais sûr qu'elle était une de ces parasites qui venaient et partaient comme bon leur semblait. Mais il restait une chose qu'il ne comprenait pas : si elle était originaire d'un autre monde, pourquoi possède t-elle des pouvoirs de notre monde ? Frustré de demeurer ignorant à ce sujet, iIl ferma le poing et eu réèllement l'envie de se retourner et de se débarasser d'elle, mais il se ravissa bien vite. Il avait promit de l'aider, et un guerrier d'honneur tel que lui ne revenait jamais sur ses paroles. De plus, il allait surement tirer parti de la situation : elle allait peut être pouvoir lui fournir des informations bien spécifiques qui l'aideraient dans sa croisade intérieure. Et avec un peu de chance et avec les bonnes indications, il aurait la chance de remonter aux sources même du problème et de détruire toute chose permettant le passage d'un monde à l'autre ! Cela semblait si simple à penser, hélas il savait que cela n'allait pas être aussi facile que ça.

Après s'être calmé il allait donc entamer sa marche, mais il n'a pas pu s'empêcher de rire à gorge déployée lorsqu'il l'entendit parler de lapin mangeur d'homme - si ce genre de créature étaient les plus coriaces de ce terre, alors Drathul serait un des êtres les plus puissants du monde. N'a t'elle jamais entendu parlé des griffons ? Et des dragons - ou même pire, des phénix enflammés ? Son ignorance faisait petit à petit baisser son estime vis à vis de cette femme, mais il ne savait pourquoi, cela lui donnait encore plus l'envie de la protéger. Surement à cause de son côté preux chevalier téméraire. Notre salamandre n'avait pas sentit cette nouvelle anifestation de pouvoir du vent, puisqu'elle se révelait être moins faible que la précédente, mais il fut étonnament surpris lorsqu'elle se précipita vers lui et s'accrocha à son bras. Il sursauta légèrement - et fut horriblement gêné.

- "Heu... hum... bon, pas la peine de paniquer à ce point, après tout. Moi, Drathul, le pourfendeur de dragon et aventurier des terres volcaniques, ne se laisse pas tuer si facilement !", puis réalisant son ton narcissique, il enchaîna, "On ferait mieux d'y aller. Et vite."

En temps normal, il aurait repoussé quiquonque aurait essayé de le toucher ou même de trop s'approcher, mais comment pouvait-il se permettre de faire du mal à une personne sans défense... Ce n'était pas raisonnable. Ainsi, il décida qu'il allait mettre de côté sa quête personnelle, et qu'il allait se hâter de trouver un village. Car rappellons le, malgré son air honorable et sa confiance, lui aussi était tout aussi perdu. Il avait d'ailleurs plus peur de mourir de famine que de se faire tuer, car il n'y avait même pas un seul animal à la ronde. Il attendit que l'étrangère se reprenne. Puis ils entamèrent leur voyage.

Mais vers où se dirigent-ils? Malheureusement, seul le destin le sait... Et, pour il ne sait quelle raison, Drathul sentait que quelque chose d'anormal allait se produire...

Alors qu'ils avaient commencé à marcher à travers l'immense plaine, la jeune femme avait déjà commencé à briser cette merveilleuse sensation d'aventure silencieuse en posant sa première question. Après tout c'était bien typique des femmes de parler, à ca oui... il avait déjà, plus jeune, eu pour compagnon de voyage des aventurières à l'allure féroce et sanglante, mais s'il y a une chose qu'on ne pouvait leur retirer, c'était bien cette énervante manie de vouloir toujours parler. Faut pas s'étonner qu'a son âge, la solitude l'attire plus que les femmes avec ce genre de pensées. Quoi qu'il en soit, au moins, il avait déjà son nom et pourrait la retrouver facilement en cas de soucis. Mais Drathul ne put s'empêcher d'afficher un léger sourire lorsqu'elle commença à lui parler sans retenue.

- "Donner son nom aussi facilement, tu es quand même bien niaise je trouve... Qui sait, peut être suis-je une mauvaise personne après tout..."

Il disait ça sur un ton de plaisanterie, mais il savait que tôt ou tard ils allaient forcment se retrouver face à face. Elle n'était pas de ce monde - et il avait juré de protéger son univers contre toute intrusion indésirée. Ces maudits habitant de... comment ca s'appelle déjà ? La Terre ? Quelle prétention, comme si leur monde était le centre de tout interet. Cependant, par simple politesse et respect envers les femmes, il tourna légèrement la tête et lui répondit.

- "Pas la peine de me vouvoyer, je déteste ça. Mon nom est..."

Puis il s'arrêta dans sa phrase lorsqu'il observa Azelya. Elle semblait absorbée ailleurs et prise dans une conversation avec une autre personne... qui visiblement n'existait pas puisqu'ils étaient seuls en plein milieu de ce désert de verdure.

*Hein ? Elle parle à qui - elle est tarée pour entendre des voix et répondre dans le vide ?! Qu'ils sont fous, ces étrangers...*

Il décida de la laisser... parler seule à seule avec son interlocuteur imaginaire et de continuer la marche. Quelques minutes plus tard cependant, il l'a vit qu'elle s'arrêta net et qu'elle le fixait d'un air peu rassuré - ou plutôt, légèrement choqué. Elle lui demanda alors si il était une salamandre - comment bon sang avait-elle su ? Ce genre de chose ne se devine pas, pour quelqu'un qui n'a visiblement aucun attrait avec l'élément du feu. Drathul fut à son tour surpris, et ne savait pas vraiment quoi répondre étant donné qu'elle semblait dans un état un peu étrange. Après, c'est sur qu'aussi, être une salamandre n'avait rien d'extraordinaire comparé aux féroces dragons et aux majestueux phénix, mais il avait toutefois sa petite part de fierté d'être d'un sang pur et singulier. Cependant elle ne lui laissa pas le temps de répondre, puisqu'elle vacilla légèrement et semblait perdre connaissance. Elle s'étala dans l'herbe et, Drathul, désespéré, soupira sans retenue.

- "Mais c'est pas vrai... elle va m'en faire voir de toute les couleurs cette fille. Bon, qu'est-ce que je vais faire d'elle maintenant ?"

Il placa sa main sur son front en signe de désespoir suprême et décida de la meilleure chose à faire. Ils devaient se dépêcher de trouver un endroit où passer la nuit. Non pas que dormir à la belle étoile le gênait, bien au contrire, mais c'était plutôt vis à vis de cette femme. Ainsi, qu'elle aurait été consentente ou non, il n'allait pas attendre qu'elle se réveille et allait donc utiliser la manière forte. Il décida de la porter, un peu brutal comme technique mais Drathul fut grandement supris. C'est à peine si elle était aussi lourde que son épée... elle était légère comme une plume emportée par le vent. Légèrement gêné de devoir faire ce genre de chose sans avoir demandé la moindre permission - en même temps comment pouvait-il lui demander si elle était inconsciente - il continua sa route.
Etrangement, la brise changea de cap et souffla avec un peu plus de conviction - Drathul décida de suivre la direction du vent, après tout, il était accompagné d'une personne lié plus ou moins étroitement avec cet élément. Par chance, il apperçut dans l'horizon de gigantesques arbres. Par chance, ils allaient surement atteindre la forêt avant la tombée de la nuit. Mais il se demandait surtout une chose : quand est-ce que cette peste de terrienne allait se réveiller ? Pour une fois, jouer les chevaliers errants n'était pas forcément très marrant.

Scatha était assise dans l'herbe haute de la plaine des songes lorsque le crissement d'une pierre au pied de la colline la fit sursauter. Intriguée, elle déposa la lame qu'elle aiguisait et se leva souplement dans le but d'apercevoir l'origine de ce bruis. Un éclaire de tissus rouge capta son regard et elle s’aplatit au sol avec une rapidité sidérante. Impossible. Se pouvait-il qu'ils l'aient retrouvé ? Le souffle court, Scatha se retourna dans l'herbe. Aucune chance qu'elle se soit trompée, cette cape rouge ne pouvait signifier qu'une chose: Feu. Le vent lui transportait l'odeur de l'homme. Un mélange de fumée âpre mélangée à l'odeur plus métallique du sang.

Elle aurait reconnu cette odeur entre mile.

Des images explosèrent dans son esprit: La cale sombre d'un bateau, le bruit des chaines et des gémissements qui courent contre la charpente de bois. Et ces rires. Les rire des pirates qui scandaient leur chant de mort en rythme avec les claquement des fouets. Scatha secoua la tête pour chasser ces souvenirs de son esprits. Se pouvait-il que cet homme soit l'un d'entre eux ? Était-il là pour la capturer de nouveau ? Instinctivement, sa main glissa vers la garde de son sabre qu'elle avait abandonné dans l'herbe un peu plus tôt. Le contacte du cuire au creux de son poing la rassura un peu.

Elle ne se laisserai pas prendre à nouveau. Jamais.

Aussi silencieuse qu'un souffle de brume, Scatha se redressa et s’approcha de la crête de la colline. L'homme marchait sur le petit chemin suivit de près par une jeune fille à la chevelure sombre. De toute évidence, ils n'avaient pas remarqué sa présence et continuaient à cheminer en silence. Un coup d’œil au ciel sombre lui indiqua que la nuit était proche. Allaient-ils être assez idiots pour continuer à marcher dans l'obscurité ? Il était plus que temps de s'arrêter pour monter le camps. Les créatures du coin n'allaient pas tarder à surgir de leur tanière et malheur au promeneur assez fou pour ne pas avoir allumé un feu avant leur arrivée. A cette pensée, Scatha laissa échapper un sourire mauvais derrière le tissus noir qui recouvrait une partie de son visage. Après-tout, ce natif du feu ne méritait pas mieux que de finir déchiqueté par un griffon. Quant à sa compagne de route... Elle semblait différente de lui. Était-elle sa captive ? Scatha resserra son étreinte autour de la garde de son sabre. Cette fois-ci, aucune chance qu'elle ne se contente d'être le témoin d'une rafle...
Après une dernière inspiration, Scatha dévala la colline. A peine eu-t-elle posé un pied sur le chemin que l'homme se retourna. Par des geste rendus sûr par l'habitude, elle se plaça en garde, sabre au clair.

" Écarte-toi d'elle, Salamandre ! "

Enfin, cette garce s'était réveillée ! Drathul était plutôt soulagé qu'elle puisse enfin se remettre debout : non pas qu'elle était lourde, mais plutôt encombrante. Si jamais ils avaient été attaqué, ils auraient été dans une position plutôt désavantageuse. Elle parut profondement gênée, quasiment presque autant qu'il l'était lorsqu'il avait pris la décision de la porter. Quoi qu'il en soit, le crépuscule pointait le bout de son nez, et cette petite ballade - si on peut dire - lui avait donné faim. Il avait également envie de se défouler un peu mais visiblement, il n'y avait pas de créature à sa portée. Mais avec la nuit qui approchait à grand pas, les monstres les plus féroces allaient surement surgir. Lui n'avait pas peur, il s'inquiétait surtout pour la jeune femme qui l'accompagnait. Déjà qu'elle semblait surprise de voir qu'il était une salamandre, alors en plus croiser de redoutables animaux comme les griffons... Son ventre gargouilla sans retenue, et le bruit se fit retentir dans le silence absolu de la plaine des songes. Aussi surprenant que cela puisse paraître, l'étrangère lui donna quelques biscuits. Il les accepta avec plaisir et les dévora simplement : il était en réalité tellement affamé qu'il mangerai n'importe quoi.

- "Hmm, ils ont un goût différent de ce dont j'ai l'habitude, mais ce n'est pas mauvais pour autant."

Evitant de parler la bouche pleine de biscuit, il la remercia d'un geste de la main. Ainsi sa faim très légèrement entamée, ils continuèrent leur route vers la forêt désormais toute proche. La nuit commençaient légèrement à se montrer timidement, mais leur destination temporaire n'était pas bien loin. Drathul avait un peu relâché sa garde, et par malheur, au mauvais moment. Une ombre détala juste devant eux. Par pur réflexe de survie, il prit la jeune femme par le poignet et la cala derrière elle tout en dégainant son épée d'une main de fer et avec une rapidité éclatante. Un geste un peu brutal mais étonament très protecteur, pour une femme censé être une future ennemie. Quoi qu'il en soit, il faisait désormais face à face avec la nouvelle arrivante, qui visiblement n'avait pas l'air très chaleureuse. Drathul ne savait pas pourquoi, mais elle semblait encore plus sombre et déterminée qu'elle ne voulait le paraître. Il resta donc à l'affut de tout geste qui indiquerait une quelquonque agressivité de sa part.

- "Hors de question, elle reste avec moi, c'est tout."

Il brandissait son épée avec aisance, fixant le sabre de l'inconnue, sourire aux lèvres. Ca ne tombe pas si mal finalement, puisqu'il cherchait justement à se défouler. De plus, avoir quelqu'un a protéger lui rapellait ses débuts de mercenaire et d'aventurier solitaire, et il se sentit un peu rajeunir, au fond de son âme. Mais il était tout aussi satisfait de se battre avec une femme, car elles avaient en général une vision diffrente du combat et leurs mouvements étaient plus grâcieux, délicats et agiles. Un combat qui aurait tout pour plaire.

- "Si tu ne me dis pas ce qui te pousse à nous attaquer dans la minute qui suit, je me ferai un plaisir de te trancher en deux avec ce petit joyau que je tiens entre mes mains."

D'un côté, il désirait vivement qu'elle ne réponde pas et croiser le fer avec cette esrimeuse pleine de fougue. Son sang avait encore grimpé en température; il en oublirait presque la présence d'Azelya, si il ne la tenait pas fermement par le poignet, tel un fier défenseur des opprimés. La rage de vaincre dans le sang, il s'était préparé à se battre et attendit le moindre mouvement de l'inconnue.

Derrière le lame étincelante de son sabre, Scatha percevait nettement l'excitation de son adversaire. Elle n'avait pu s'empêcher de hausser les sourcils en le voyant dégainer. Ces gestes étaient fluides et instinctif, sans doute le résultat d'un long entrainement. Si elle commettait erreur de le sous-estimer, Scatha devinait que cet affrontement risquait d'être son dernier.

- "Si tu ne me dis pas ce qui te pousse à nous attaquer dans la minute qui suit, je me ferai un plaisir de te trancher en deux avec ce petit joyau que je tiens entre mes mains."

A ces mots, elle esquissa un sourire. Tant de suffisance et de vantardise en une phrase... A croire que tous les natifs du feu étaient incapable de la moindre retenue. Tout en maintenant haut et droit son sabre, elle porta une main à son visage et retira lentement son masque de tissus noir. Une salamandre apparu sur sa joue et son menton, gravée dans sa chaire d'une encre rouge sombre. Le même rouge que la cape de son adversaire. A voir son expression, elle devina qu'il avait comprit la signification de ce tatouage morbide : Les hommes du feu aiment marquer se qui leur appartient.

- "Je vois que tu as compris, fit Scatha d'une voix calme. J'ai été enlevée à l'âge de six ans par ceux de ton peuple. Aujourd'hui l'esclave se retourne contre son maître: éloigne toi d'elle. Je ne te laisserai pas l'emmener.

Aliant le geste à la parole, Scatha s’avança d'un pas. La voix de la jeune fille la stoppa pourtant. Discuter ? Avait-elle au moins la moindre idée de la situation dans laquelle elle se trouvait ? Scatha ne se rappelait pas avoir eu le temps de 'discuter' lorsqu'on l'avait enchainée dans cette cale puante. Elle n'avait pas non plus eu son mot à dire lorsque les hommes du Feu était descendu la voire, encore et encore.
C'est à cet instant que le vent lui apporta le bruit d'un bruissement d'aile. Un instant, Scatha en oublia le sabre du Salamandre. Un dangers plus grand encore était au dessus de leur tête. Elle leva les yeux au ciel dans l'espoir d'y distinguer la moindre lueur. Ce qu'elle vit la tétanisa un cour instant. La vision de cette silhouette démesurée ne pouvait laisser place au doute.
Elle s'élança vers le duo en hurlant.

- Griffon !!

Lorsqu'il la vit s'avancer d'un pas certain, Drathul concentra toute sa force dans ses afin d'être prêt à parer et à contre-attaquer. Le mot discuter, lorsqu'un combat avait été initié par les deux opposants, était l'arme des faibles en ce monde. Ainsi, il n'était pas surpris de la voir se préparer à s'élancer au combat. Il fixa une dernière fois son tatouage de salamandre : lui aussi au début, mettait tout les membres de la même espèce dans le même panier quand ses parents avaient été tué. Lui aussi croyait que le monde n'était composé que de personnes froides, cruelles, en qui on ne pouvait faire confiance - cependant il avait grandi entre-temps, ce qui lui a permit de faire la part des choses. Ainsi il souriait, car lui avait eu le temps de panser ses blessures intérieures - elle non, visiblement. Son visage devint soudainement sérieux en l'espaced'une seconde.

- "C'est en effet tragique... mais ceux qui survivent aux drames deviennent plus forts et indépendants. Estime toi heureuse d'avoir au moins appris à te défendre seule..."

Encore une fois, il n'avait camouflé sa manière de penser. C'est triste à dire, mais c'est en voyant les gens qu'on aime mourir que nous vient cette envie de devenir toujours plus fort. Mais quelque chose vint interrompre ce qui allait être un combat. Une forme de taille impressionante arriva en leur direction, et il comprit, en même temps que l'étrangère, de quoi il s'agissait. L'une des créatures du vent les plus sauvages et sournoises que l'on puisse croiser en ce monde : un griffon. Il vit alors l'inconnue qui s'avanca vers eux : non pas pour se battre avec eux, mais visiblement pour éviter le griffon qui plongait inévitablement vers elle. Apparement, la haine et le désir intérieur de la sombre femme ne l'avait pas rendu totalement aveugle et elle avait probablement laissé tombé le combat. Du moins... pour le moment. Mais le griffon n'avait pas perdu son temps. La femme avait remarquablement réagit et son instinct de survie semblait formidablement développé. Il fixait la femme, avant de réagir comme à l'habitude.

- "On dirait qu'on a un soucis plus grave pour le moment..."

La sombre étrangère se tenait en avant, Drathul puis Ezelya deriière. Cependant la créature fonca en direction du groupe, et la femme drapé de noir se trouvait pile dans sa ligne de mire. A ce moment là, Drathul maudissait intérieurement son esprit de défenseur, lâcha le poignet de la terrienne pour foncer sur le griffon, arme en main. Il intercepta la charge féroce du griffon en envoyant valdinguer sa lame géante en direction du monstre, qui dépassait sans soucis Drathul en taille. Le griffon n'était apparement pas dénué de reflèxes lui non plus, et para le coup avec succès: la lame se retrouva bloquée dans l'énorme bec de la créature. D'un côté, le griffon ne pouvait plus l'utiliser sauf en lâchant prise, mais de l'autre, Drathul avait perdu le contrôle de son arme. Il ne la lâcha pas pour autant, et fixait la créature d'un air presque barbare. En temps normal, il aurait pu essayer d'enflamer son épée grâce à sa magie du feu, mais dans ces plaines immenses, le vent était le seul maître des lieux : il n'arriverait pas à générer assez de flammes, et Drathul n'était pas magicien. Il eut alors une pensée pour les deux femmes qui se tenaient derrière lui.

*C'est maintenant qu'elle devrait relâcher son pouvoir, si elle savait s'en servir. Quand à l'autre... ce serait un miracle qu'elle n'en profite pas pour m'assener quelques coups de lames...*

Drathul s'acharnait de plus en plus pour retirer l'épée de l'emprise du griffon.

*Décidément, on ne peut compter que sur soit-même dans ce foutu monde !*

Avec un élan impressionant de force, il tenta a nouveau de reprendre le contrôle de son épée, mais ce fut à nouveau un échec. Le bec de la créature était tellement résistant qu'elle n'avait pas l'air d'avoir mal, alors que l'arme de Drathul commençait à s'ébrecher, et pas qu'un peu. Hors de question que son arme ne se casse face à un monstre aussi pitoyable ! Mais tout était à son désavantage, et le griffon n'aurait qu'a lui asséner un coup de griffe pour faire tituber le guerrier. Il en faut de la force brute pour réussir à ne pas flancher devant un griffon, mais Drathul n'allait pas tenir une éternité comme cela. Il espérait un mauvais mouvement du griffon pour réagir, ou bien, une aide extérieure, si les miracles existent.

Après le petit instant de flottement qui avait suivit l’apparition du Griffon, les choses s'étaient enchainées à une vitesse sidérante. Le monstre avait eu vite fait d'immobiliser la lame du Salamandre, la bloquant dans son bec puissant. A cet instant, Scatha s'était bien gardée d'intervenir. Mais à présent que la jeune fille s'était elle aussi lancée dans la mêlée, la donne semblait avoir changée. D'un part, elle avait utilisé son don pour se projeter dans les airs. D'autre part elle se trouvait maintenant à califourchon sur un Griffon déchainé brassant l'air de ses ailes puissantes. Le guerrier rouge avait quant à lui retrouvé son arme et attendait le moment propice pour porter un coup fatal à la bête. Peut-être n'était-il pas un de ces trafiquants d'esclave finalement...
A cette pensée, Scatha laissa échapper un petit sifflement agacé. Il n'en restait pas moins un Salamandre. Pourtant, à la vue de la jeune fille qui s’agrippait désespérément aux plumes de l'animal, elle laissa ces considérations de côtés. Les choses risquaient de mal tourner. Dans sa panique, l'inconnue ne cessait de relâcher son don. Un don qu'elle ne maitrisait apparemment pas. Il suffisait d'observer la véritable tempête qu'elle était en train de crée autour d'elle. Si elle n’inversait pas rapidement la tendance, les éléments allaient finir par se retourner contre eux.

- Recule toi Salamandre !

S'accroupissant dans les hautes herbes, Scatha joignit ces deux mains à hauteur de poitrine et ferma les yeux. Elle oublia un instant le griffon déchainé, la jeune fille perchée sur son dos, et le guerrier drapé de rouge. Seule comptait la danse du vent au dessus de sa tête. Dans son esprit, un vent froid se dessina au ras du sol. Elle le réchauffa d'un simple frôlement de pensée et le laissa prendre de la hauteur. Des tourbillons invisibles se formèrent, contrastant avec le don débordant de l'inconnue.
Une goutte de sueur perla le long de la tempe de Scatha lorsqu'elle perçu toute l'étendue de la puissance qu'elle essayait de contrer. En comparaison, son don paraissait minime. Presque inexistant. Mais si elle ne parvenait pas à canaliser à temps ce trop plein de pouvoir, les choses risquaient de tourner au drame. La jeune fille risquait de finir dévorée par sa propre puissance si elle ne les tuait pas tous les deux avant...
Dans un ultime effort, Scatha s’appliqua à rompre la rotation de la tempête. Dosant chacune de ses masses d'air avec assez de précision pour annuler celles d'en face.

C'est le calme qui lui indiqua qu'elle avait réussit. La respiration sifflante, elle tenta de se redresser, mais un voile noir la terrassa avant qu'elle n'ai pu se lever. Comme après chaque utilisation de son don, elle senti une vague de fatigue s’abattre sur elle. Impuissante, elle se vit tomber à quatre pattes par terre. Avant de perde connaissance, elle lança un dernier regard au Salamandre. Sabre dressé, il s'élançait à la rencontre du Griffon. Peut-être s'était-elle bel et bien trompé sur son compte après tout...

A vrai dire, la situation allait de surprise en surprise pour notre guerrier. Azelya semblait désormais différente de la jeune femme frêle qu'il avait transporté sur son épaule il y a quelques heures auparavant: elle avait déchaîné ses pouvoirs intérieurs telle une furie prête à tout détruire sur son passage. En fait, cela en devenait presque terrifiant, car plus les secondes passaient et plus son pouvoir s'intensifiait, et commençit à former des poches d'airs et des bourrasques terribles, renversantes. C'était comme si elle vidait toute l'énergie qu'il y avait en elle d'un seul coup, et cela confirmait bien ce que pensait notre salamandre. Ceux qui ne connaissent pas l'étendue de leur pouvoir sont tout aussi dangereux pour eux-même que pour leur entourage. La créature, comme pressée entre plusieurs courants, fut déstabilisée par le même élément dont il était d'origine. Drathul trouvait cela ironique d'un côté... quelques instants plus tard, il repris le contrôle de son arme mais restait près du griffon, au corps à corps : après tout, Azelya avait bondit sur lui sans faire attention, il fallait bien qu'il veille à ce qu'elle n'ai rien. Même s'il devait avouer que ce surplus de flots magiques n'étaient pas si commun à notre aventurier.

Le griffon semblait bel et bien secoué et commençait à s'agiter. Il n'était pas le seul d'ailleurs, car même après avoir renversé la situation, Azelya ne semblait pas contenir ses émotions et ses pouvoirs en étaient donc totalement libre de se déchaîner comme bon leur semblait. Si Drathul avait été du vent, peut être aurait-il pu essayer de la calmer, mais ce ne fut pas le cas. Heureusement, l'inconnue drapée de noir fut encore une fois rapide à ragir et trouva la solution adapté. Aussi qu'elle ordonna au guerrier de reculer, il s'executa immédiatement et sans discuter. Il pouvait tout combattre sans peur ni doute, mais faire face à autant de magie élémentaire, ça... c'était peut être au dessus de ses forces. Au moins connaissait-il ses propres faiblesses. Une petite goutte de sueur dévala son front lorsqu'il sentait le flux de vent qui se trouvait en ce lieu : Azelya d'un coté et l'inconnu de l'autre; deux pouvoirs de même origine et pourtant actuellement qui s'entrechoquaient. Bien vite, les vents se calmèrent et l'atmosphère redevint un peu plus viable. Les courants désormais volatilisés et le griffon à porté d'attaque, Drathul visualisa le futur impact et fonca en direction de la créature. Aussi dégoûtant que cela puisse paraître, il lui tracha la tete de manière nette et rapide. Après tout, un bon monstre est un monstre mort. C'était un bon défoulement, au final. Il allait se retourner pour remercier l'inconnue.

- "J'avoue que sur ce coup là, tu..."

Il coupa net sa phrase en la voyant étalée par terre. Il soupira et se dit qu'il allait surement encore faire le transporteur de dames en détresses. Cependant, il ne sait pourquoi, il ne pu s'empêcher de lacher un bref sourire.

- "Décidément, c'est pas mon jour."

Après tout, ennemi ou non, il faut quand meme avoir un minimum d'honneur et respecter ceux qui protègent les autres. Avant d'aller s'occuper de l'inconnu, il se dirigea vers Azelya. Elle avait l'air bouleversée ou perdue. Il seplaca en face d'elle mais il ne prononca aucun mot. Bien que sa réaction l'avait étonné, n'oublions pas qu'elle avait réussi a s'évanouir pour une histoire de salamandre. Il ne savait pourquoi, il voulait avant tout savoir si elle allait bien... et surtout si elle n'allait pas s'évanouir. Il laissa un court silence demeurer, puis voyant qu'elle ne réagit pas tout de suite, il lui fit un signe de la main.

- "Et oh, ca va ? T'es encore vivante, tu sais."

Drathul avait voulu rajouter une petite pointe d'humour, mais ce n'était visiblement ni le lieu ni le moment...

Odeur de fumée.
Crépitement des flammes sur du bois vert.
Scatha ouvrit les yeux. Elle resta un instant immobile à contempler le ciel noir dans lequel apparaissait parfois quelques étoiles.
Il lui fallut quelques secondes pour se souvenir de ce qui venait de se produire. L'attaque du Griffon, la jeune fille du vent, l'utilisation de son don qui l'avait laissé épuisée. Et le guerrier rouge. Immédiatement Scatha se redressa. Du regard, elle chercha son sabre et laissa échapper un petit grognement mécontent en le découvrant planté dans la terre à côté du Salamandre. Il était assit auprès d'un petit feu qui crépitait joyeusement dans la nuit. En face de lui, la jeune fille observait fixement un large morceaux de viande posé sur une pierre plate. Le fumé qui s'en dégageait lui fit monter l'eau à la bouche. Après un dernier coup d’œil prudent au guerrier, Scatha se leva lentement en maudissant une fois de plus son faible don qui l'épuisait après chaque utilisation. La jeune du vent ne semblait quant à elle pas éprouver la moindre fatigue, preuve que son don était sa commune mesure avec celui de Scatha.
Essayant de ne regarder personne en particulier, Scatha s’approcha du feu et s'y assit en tailleur. Elle cru déceler une petite étincelle moqueuse dans le regard du Salamandre. Peut importe. Elle l'avait bien mérité.

- Mon nom est Scatha, fit-elle d'une voix calme et posée avant de se retourner vers le guerrier. Je t'avais pris pour un de ces trafiquants d'esclaves. Désolée pour ce mal-entendu.

Ces derniers mots écorchèrent son amour-propre mais Scatha se félicita de les avoir prononcer. D'une signe de tête, elle désigna son sabre et tendit une main pour le récupérer. Après un petit instant de flottement, le Salamandre esquissa un sourire et lui tendit son arme, garde vers l'avant. Scatha la posa à côté d'elle avant de se tourner vers la jeune fille. Sa rencontre avec le griffon semblait l'avoir marqué.

- Qui es-tu pour avoir un don pareil ? Et d'où viens-tu ?

Drathul effectua une légère grimace lorsque Azelya le réprimanda pour sa remarque légèrement ironique. Il semblait qu'elle l'avait assez mal pris, et il doit avouer qu'il n'avait pas tout compris à ce qu'elle avait prononcé: il se dit qu'elle aussi devait avoir, comme l'autre jeune inconnue, quelques mauvaises expériences avec la mort. Quoi qu'il en soit, ce fut pour lui quelque chose d'assez commun. La chasse aux bestioles, la vue du sang ou bien devoir ôter la vie de quelqu'un... c'était devenu un peu son mode de vie habituel après tout et ce depuis quelques années déjà. En étant mercenaire et en effectuant des tâches diverses, on rencontre pas mal de choses stupéfiantes. Disons que sur ce coup là il n'avait pas du tout assuré, puisqu'il a été pris par surprise et qu'il s'est chargé de défendre les deux femmes. Mais au final... pourquoi a t'il fait ça d'abord ? L'une lui a tendu une embuscade tendit que l'autre est très surement l'un de ces parasites de l'autre monde. Parfois, Drathul ne se comprenait vraiment pas lui-même. Ces réflexions lui faisaient mal au crâne et il décida de mettre tout ces détails de côté. Pour le moment.

Quoi qu'il en soit, ils décidèrent de rejoindre un point d'eau. Drathul en profita pour se laver rapidement, histoire de paraître un peu moins sauvage envers ces femmes, car lui visiblement, le fait d'être tâché de sang ne le dérangait pas vraiment. Ils firent un feu de camp et la chair de griffon commençait à rôtir légèrement. Une odeur particulière mais délicieuse s'élèva dans l'air. La nuit était belle et bien tombée et un vent frais se fit sentir sur sa peau de salamandre - cela le fit légèrement frissoner. Il planta son épée dans le sol, puis le sabre de l'inconnue à côté, et pris place près du feu. C'est avec un certain côté barbare qu'il commença à déguster la viande de griffon et ne se priva pas : il mangait sans retenue et avec un appétit féroce. Depuis sa lutte avec le griffon, il demeurait silencieux - il appréciait surtout ces moments-là : se retrouver autours d'un feu, en pleine nature, avec un peu de companie, cela lui rappelait ses débuts de jeune aventurier.

Il vit que la jeune inconnue s'était réveillée, et venait s'assoir à son tour près du feu afin de se nourrir. Elle prononca son nom ainsi que des excuses, auxquelles Drathul ne s'attendaient vraiment pas. Il prit le temps de répondre entre deux bouchées.

- Il n'y a pas de quoi s'excuser, ça arrive à tout le monde de s'emporter, non ?

Un léger sourire moqueur s'afficha sur son visage durant quelques secondes, puis son esprit s'orienta à nouveau vers la nourriture. Il été affamé et on ne crachait pas sur de la viande de griffon. Durant le reste de ce repas à la belle étoile, il resta silencieux et ne fit qu'écouter. Les deux jeunes femmes commencèrent à papoter: décidement, les clichés ne sont forcément pas faux. Au bout d'un moment, il coupa leur conversation.

- Bon... ce n'est pas tout mais il faut penser à dormir. Je n'ai pas vraiment envie de vous porter sur mon dos demain, je pense avoir assez donné.

Bien qu'il s'adressait aux deux femmes, son regard se tourna vers Azelya, comme s'il voulait la taquiner légèrement avec cette remarque. Cependant la nuit risquait d'être longue : dormir sur ses deux oreilles serait impossible. D'un côté, des monstres pourraient attaquer, et de deux... bien malgré les évènements précédents, il n'accordait pas aussi facilement sa confiance aux gens.

Pour la énième fois Scatha se retourna sur sa fine cape qui lui faisait office de matelas. Au dessus d'elle, les étoiles apparaissaient par intermittence entre de lourds nuages à peine éclairés par les reflets argentés de la lune. Elle lança un coup d’œil aux deux formes allongées au coin du feu avant de se tourner à nouveau. Les respirations régulières qui lui parvenaient lui arrachèrent un soupire agacé. Elle avait depuis longtemps perdu l'habitude de dormir au sein d'un groupe et fermer l’œil lui était tout bonnement impossible. Au moindre craquement, elle se réveillait en sursaut pour saisir la garde de son sabre, prête à en découdre. Dès qu'elle parvenait à sombrer dans le sommeil, le visage de la Salamandre se transformait en celui du pirate venu l’arracher de sa maison. Elle savait qu'il lui faudrait sans doute un certain temps avant de pouvoir baisser totalement sa garde. En attendant, sa nuit se terminait là.

Dans le plus profond silence, Scatha se leva et s'éloigna du campement à pas de loup après avoir glissé son arme dans sa ceinture. Au milieu des hautes herbes de la plaine des songes, elle trouva bientôt un tertre sur lequel elle se hissa souplement. Autour d'elle, le son rassurant du vent lui apporta le bruissement de la végétation alentour. Un son bien plus agréable que celui des ronflements intempestifs du guerrier rouge. Toutefois Scatha savait que celui-ci n'était pas entièrement la cause de son insomnie: Azelya avait éveillé sa curiosité. Avec son histoire de Terre et de lutin transparent, il s'en était fallu de peu pour que Scatha ne la gratifie d'un regard septique. Mais la jeune fille lui avait paru anormalement honnête. Quant à son idée de rejoindre Kadoguchi, Scatha n'avait pu que lui faire part de son ignorance. La ville l'avait toujours effrayé et elle s'était bien gardée de s'approcher de la moindre cité durant ses vagabondages. Elle savait pertinemment qu'une esclave en fuite n'avait que peu de chance de passer inaperçu dans un tel environnement. A cette pensée Scatha passa un doigts sur la salamandre écarlate inscrite sur son visage dans un geste familier.

La ville était pourtant le meilleur moyen de croiser la route des trafiquants...
Se laissant tomber à la renverse dans l'herbe humide, Scatha prit sa décision. Elle accompagnerait Azelya à Kadoguchi et laisserait ensuite son sabre décider de la voie à suivre.
Restait à savoir où cet endroit se trouvait.

Drathul avait eu un peu de mal à fermer l’œil, dû au vent frais des plaines, mais également à cause du fait qu'il n'avait pas du tout envie de relâcher sa garde en présence de deux personnes qu'il venait tout juste de rencontrer. Surtout que, rappelons le, l'une est une parfaite inconnue de ce monde comme elle l'a elle-même avoué, tandis que l'autre saurait parfaitement manier le sabre. Cependant, après un combat acharné et un bon repas, l'appel du rêve fut plus tentant que tout autre chose. C'est donc au bout d'un certain moment qu'il avait réussi à sombrer dans un sommeil profond - en ronflant comme à l'habitude - et duquel seul l'instinct de survie pouvait réellement le réveiller. Après tout, son épée n'était jamais bien loin de lui, prêt à parer à toutes les initiatives que ce monde pouvait apporter.

Très tôt à l'aube, le guerrier s'éveilla - non sans pouvoir se refréner de lâcher un lourd bâillement à s'en décrocher la mâchoire - et il s'étira légèrement avant de chercher son épée, fidèle et éternel compagnon. Il regarda tout autour de lui, et il vit que Scatha manquait à l'appel. Cela n'a eu pour effet que de renforcer son appréhension pour cette femme qui semblait pleine de mystère, mais aussi de rancœur intérieure. Après tout, il ne pouvait pas savoir de quoi elle était capable... il savait qu'il n'allait pouvoir s'empêcher de garder un œil alerté sur elle pour le reste du voyage. Puis son regard se posa sur Azelya, qui elle au contraire avait l'air de dormir à poings fermés : elle aussi après tout avait utilisé pas mal de force dans le combat contre la bête. C'est alors que la conversation entre elle et Scatha lui revint en mémoire... bien qu'il était resté silencieux, il n'en écoutait pas moins et il était désormais sûr qu'elle deviendrait à son égard une ennemie à la fin du voyage. Avec la manifestation de ses pouvoirs dont elle ne connaissait même pas l'existence, cela avait confirmé sa vision des choses : les gens de l'autre monde sont dangereux pour celui-ci. Malgré son apparence plutôt décontractée, il allait donc attendre et voir ce qu'il allait faire une fois arrivé à l'endroit qu'elle avait évoqué. Kadoguchi... un nom qui ne lui disait fichtrement rien. Ou peut être sa mémoire était-elle juste défaillante.

Il laissa passer quelques minutes avant de se diriger vers la jeune étrangère endormie, il s'accroupit l'épée en main, puis lui tapota l'épaule avec la garde de son arme sans être pour autant délicat. Après tout elle semblait tellement bien dormir qu'il préférait être sûr que cela allait suffire pour la tirer de son sommeil.

- Aller aller, on se réveille.

Il n'avait pu s'empêcher de bâiller à nouveau en regardant la jeune femme endormie, puis il se releva sans attendre de réponse de cette dernière. Plus vite ils se mettraient en route, plus vite ils arriveraient à destination. Et plus vite Drathul saurait quelle décision serait bonne à prendre concernant toute cette histoire. Mais comme à l'accoutumée, il allait mettre de côté tout ceci pendant le reste du voyage et agir en fonction des événements actuels. Au fond, lui aussi désirait voir à quoi ressemblait le lieu dont elle parlait, et voir de ses propres yeux si elle n'était pas la seule dans son cas. Quoi qu'il en soit, ils allaient bientôt se remettre en route. Son épée dissimulée à moitié dans son dos, Drathul scruta la ciel plus pensif que jamais, attendant que Azelya se mettre sur pieds et le retour de Scatha pour pouvoir enfin bouger de cet endroit vaste.